Il se passe comme des p’tit trucs en France en 2024...
Vous n’avez certainement pas échappé à la vague Un P’tit truc en plus, signé Artus ; à l’heure où nous écrivons ces lignes, le film a déjà dépassé les 8 millions d’entrées en France, balayant Dune : Deuxième partie et ses 4,1 millions.
Peu importe ce que l’on pense du film et que l’on tienne ou non la comédie populaire en haute estime ; Un P’tit truc en plus a eu le mérite de braquer les projecteurs sur les discriminations ordinaires : de l'inaccessibilité des marches du plus célèbre palais des festivals au refus des maisons de couture d’habiller les comédiens, en passant par la difficulté de faire financer les films ayant trait au handicap…
Chez Séquences Clés, nous ne pouvions pas rester indifférents à ce phénomène, qui nous concerne personnellement, mais aussi professionnellement en tant que société de production engagée pour le handicap. Le film a suscité chez nous de nombreux débats et si nous constatons de réelles avancées, nous voulons aller encore plus loin.
Haro sur le cripping-up
Un P’tit truc en plus s’inscrit dans une dynamique que l’on observe déjà depuis quelques années : celle d’une représentation plus authentique, où les personnes handicapées sont enfin invitées à interpréter les rôles qui les concernent.
Car longtemps le handicap a été considéré comme un gage d’amateurisme. « Être acteur, c’est un métier », répondait Franck Dubosc à une internaute qui l’avait interpellé sur le choix de l'actrice Alexandra Lamy pour interpréter le rôle d’une personne en fauteuil dans son film Tout le monde debout, en 2020.
Et longtemps l’audiovisuel français lui a donné raison. Intouchables, La Famille Bélier, Patients,... A l’exception notable du film Le Huitième jour (1996), où le jeune Pascal Duquenne crevait l’écran, aucun grand succès français récent n’avait eu l’audace de confier le rôle d’une personne handicapée à... un comédien handicapé.
Les choses évoluent, notamment sur le petit écran, avec des séries comme Skam France et Lycée Toulouse-Lautrec, ou encore le téléfilm Handigang... Outre-Atlantique, où la tendance s’est également accélérée ces dernières années, on a même pu assister il y a deux ans à la consécration de Troy Kotsur, premier homme sourd oscarisé pour son rôle dans CODA, le remake américain de La Famille Bélier. Dans CODA, tous les rôles sourds avaient été confiés à des acteurs sourds ayant la langue des signes américaine comme langue maternelle. Cet Oscar sonnait comme une reconnaissance des compétences et expériences des personnes handicapées, celles qui nourrissent leur créativité, adaptabilité, autodérision… Car c’est bien la maîtrise de la langue des signes de Troy Kotsur qui rendait son personnage si drôle et convaincant.
Bref, le cripping-up – le fait de donner des rôles d’handicapés à des valides – n’a plus la cote et il faut s’en réjouir.
Et sur les plateaux ?
Pourtant, on parle moins de ce qui se passe derrière la caméra, où les professionnels en situation de handicap, qu’ils soient créatifs (direction artistique, réalisation, scénario, direction de casting...) ou techniques (production, prise de vue, montage, mixage, animation...) sont encore largement sous-représentés.
Selon l’Observatoire des Images, le taux d’inclusion des personnes handicapées dans les médias en Europe serait de 1 à 8 %, alors que 16 % de la population active serait concernée par le handicap.
Chez nos voisins britanniques, le Creative Diversity Network, qui accompagne les chaînes et plateformes dans leurs enjeux de diversité, estimait dans son rapport 2020 que les professionnels handicapés représentaient environ 5,2 % des effectifs des 5 plus grands diffuseurs TV du pays. En France, les chiffres sont plus difficiles à estimer, car, particularité française, une grande majorité de ces métiers s’exercent en intermittence, où le handicap est un sujet qui tient presque du tabou.
L’inclusion dans nos métiers a pourtant tout son sens : nous sommes des créateurs de récits, des façonneurs d’histoires ; nous sommes les garants de la représentation de la société, telle qu’elle est et telle qu’elle devrait être. Les récits nous connectent et pour cela, la création doit être accessible à tous, dans tous les sens du terme.
Le handicap ne raconte pas d’histoires, mais les personnes handicapées, si. La meilleure représentation que nous pouvons leur offrir, c’est celle où elles sont présentes, à tous les niveaux de notre société: ni victimes, ni héros, ni maudits, ni saints, ni extraordinaires, ni barbants, mais élus, RH, ouvriers, chargés de com, comiques, professeurs, médecins, climatologues, cols blancs, curés, PDG, charlatans, faux-culs, fouteurs de merde et autres losers…
Créer un récit commun
Séquences Clés est née en 2010 avec la volonté d’offrir des opportunités à des professionnels handicapés éloignés de l’emploi.
Nous voulions démontrer qu’il était possible de créer des emplois dans nos métiers et que le monde de l’entreprise pouvait lui aussi s’adapter, sans faire l’impasse sur la qualité et les compétences. Réflexions créatives, direction artistique, coordination du tournage, réalisation, cadrage, montage, animation, mixage, sous-titrage… De la prise de brief à la livraison finale, nous sommes en mesure d’assumer l’ensemble des étapes d’un projet de film.
A la création de SCP, nous étions 3 ; aujourd’hui, nous sommes près d’une vingtaine, avec près de 100 % de nos effectifs créatifs et techniques concernés par le handicap ou la maladie.
Mission accomplie ? Pas encore tout à fait.
Car nous ne voulons plus avancer seuls ; pas plus que nous le pouvons, d’ailleurs. Au fil des années, nous avons noué auprès de notre milieu des relations, commerciales, partenariales, financières, parfois même amicales et fraternelles. Séquences Clés n’est peut-être qu’une petite entreprise, mais ensemble, nous formons une grande communauté.
Pour ne plus être un seul îlot de représentativité, créons ensemble des archipels. Ensemble, donnons-nous les moyens de construire des ponts avec des projets plus grands, plus ambitieux, plus créatifs et toujours inclusifs.
Séquences Clés soufflera 15 bougies l'an prochain. Mais n'avons pas attendu pour faire notre crise d'adolescence... Rendez-vous à la rentrée pour vous dévoiler notre vision de l'avenir !
Un avenir à vos côtés ?
Par Manon, responsable de communication chez Séquences Clés Productions
Comments