Produire autrement : la socioproduction
- Team SCP

- il y a 1 jour
- 4 min de lecture
Face à l’urgence climatique et aux enjeux sociaux grandissants, l’audiovisuel ne peut plus rester inactif : il doit repenser ce qu’il raconte - et surtout ses manières de le faire.
Les nouveaux récits, pour des représentations en phase
Quand on parle de la transition dans le secteur audiovisuel aujourd’hui, l’expression “nouveaux récits” revient souvent. Les nouveaux récits - ou nouveaux imaginaires -, ce sont ces contenus qui aspirent à changer de paradigme, à s’éloigner des discours dominants dans notre société, hérités d’un système à bout de souffle, où la réussite se mesure en productivité et en (sur)consommation, au détriment de l’environnement et des populations.

Des discours dominants qui se font aussi le reflet de notre rapport aux différences, à la diversité et aux vulnérabilités ; des regards biaisés qui enferment les populations dans des stéréotypes qui contribuent à leur marginalisation. Il est nécessaire de faire évoluer nos représentations autant sociales qu’écologiques.
Au-delà des récits, il s’agit aussi de créer un cercle vertueux en repensant la façon dont on les crée, pour un impact qui se fasse à l’écran comme derrière la caméra.
Et alors que l’écoproduction a creusé son sillon et ouvert la voie à une industrie plus attentive à son impact sur l’environnement, un autre chantier s’impose aujourd’hui selon nous : celui de la socioproduction.
Écoproduction, socioproduction : de quoi parle-t-on ?
L’écoproduction, c’est produire des contenus audiovisuels en réduisant au maximum leur impact environnemental, de la conception à la diffusion, en optimisant les ressources, les déchets, l’énergie, les déplacements et les matériaux utilisés. À raison, car l’industrie audiovisuelle et cinématographique représente à elle seule 1,7 millions de tonnes de CO2 par an, avec en moyenne 750 tonnes pour un long métrage français !

De nouveaux métiers émergent pour accompagner cette transition, comme l’éco-producteur ou encore l’éco-référent et l’essor est également porté par la transformation des circuits de financements, qui intègrent désormais les enjeux environnementaux dans leurs critères. Depuis septembre 2025, le CNC met par exemple en place le dispositif Prime RSE+, basé sur le référentiel Spec 2308 de l’AFNOR, véritable bible de la production responsable, pour inciter les producteurs à mettre en place 26 actions concrètes.
Sur ces 26 actions, 6 sont consacrées à l’inclusion, la parité et la qualité de vie au travail.
C’est ce volet que nous souhaitons défendre avec la socioproduction. Pourquoi ? Car il nous semble essentiel de nous intéresser à ceux qui fabriquent les films autant qu’à notre façon de les produire. Il s’agit de s’interroger sur les conditions de travail, l’inclusion des professionnels éloignés du secteur et la diversité des équipes.
Bref, l’enjeu principal est de mieux prendre en compte les impacts humains et ce à toutes les étapes de processus de création (scénarios, tournages et post-production).
Là où l’éco-production agit sur l’environnement, la socio-production agit sur le vivre et le produire ensemble. Ces deux approches ne sont pas opposées mais complémentaires. Par ailleurs, selon le GIEC (groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), les inégalités sociales sont en effet l’un des freins majeurs à la transition écologique. Nous ne pouvons pas espérer construire une société durable si une partie de la population est exclue des espaces qui feront la transition..
Création audiovisuelle et équité sociale
Le cinéma et l’audiovisuel ont encore une forte marge de progression pour atteindre une vraie égalité des chances. Il faut dire que les métiers de la création et le monde du cinéma font rêver, mais que les places et les élus sont rares, les rythmes de travail précaires.
D’après l’Observatoire de l’égalité Femmes-Hommes du CNC, les postes clés (chefs de poste à la réalisation, direction de la photographie, scénario, composition montage et image son…) sont par exemple encore occupés en majeure partie par des hommes, que ce soit dans l’audiovisuel ou le cinéma. La part des films français réalisés et co-réalisés par des femmes est même en baisse depuis 2 ans, atteignant à peine 25 %. La présence des professionnels en situation de handicap dans ces métiers est quant à elle marginale, voire impossible à estimer en raison d’un tabou très fort, alors même que le handicap concerne près d’un quart de la population de plus de 15 ans et que certains des plus grands succès français parlaient justement de handicap (Intouchables, La Famille Bélier, Un P’tit truc en plus, etc.) !
Chez Séquences Clés, seule société de production audiovisuelle avec le statut d’entreprise adaptée en France, nous sommes animés par l’ambition de faire de nos films de véritables leviers de transformation sociale et de sensibilisation. Engagés pour l’inclusion et la diversité dans nos métiers, nous pensons que la socioproduction vient rétablir un équilibre.

En ouvrant l’accès à la création à des profils différents, on s’ouvre d’une part à des récits plus immersifs et plus authentiques qui permettent de mieux connaître leurs problématiques et par conséquent de mieux appréhender leurs façon d’être, d’agir ou leurs besoins. Sur le sujet du handicap, c’est par exemple l’opportunité de sortir des poncifs entre misérabilisme et héroïsation qui ne servent que les émotions des spectateurs non concernés, sans proposer de véritable remise en question sur l’inclusion des personnes handicapées ! Ce qui est vrai pour le handicap l’est aussi pour les autres formes d’exclusion. D’autre part, la diversité enrichit les histoires que l’on raconte et les renouvelle ; elle les rend plus subtiles, en les nourrissant avec des visions singulières qui permettent de nuancer le monde.
Cela ne signifie pas que les professionnels handicapés doivent travailler uniquement sur des films parlant de handicaps ou les femmes dans des productions féminines - bien que l’on constate un effet vertueux, la présence de femmes réalisatrices entraînant une proportion plus équitable de femmes dans les postes clés !

Non, il s’agit tout simplement de justice : tout le monde doit avoir accès à la création et pouvoir bénéficier des mêmes opportunités pour y faire carrière.
La socioproduction n’est pas pour nous un concept théorique, mais une manière concrète de produire : ouvrir des portes, faire émerger des talents exclus ou invisibilisés et valoriser leur travail. En plaçant l’égalité des chances au cœur de nos processus, nous voulons montrer qu’un autre modèle est possible — un modèle où l’audiovisuel ne se contente pas de représenter la société, mais contribue réellement à la transformer.









Commentaires