« Mais madame ce n’est pas normal que vous soyez handicapée, normalement les handicapés sont moches. »
Par Charlotte B.B.
Ou comment cette simple phrase, si décomplexée, a provoqué en moi un électrochoc. Je me suis dit que beaucoup de gens, toujours aujourd’hui en 2020, avaient une multitude de préjugés, et surtout une méconnaissance totale de ce qu’est réellement le handicap, qu’il y a autant de handicaps que de personnes handicapées.
C’est alors qu’un tsunami de questions avait envahi mes pensées, ne me laissant même pas la possibilité sur l’instant de répondre à mon interlocuteur. J’étais complètement sonnée par ce qui devait être un compliment... Totalement raté.
Qu’est-ce que la normalité ? Qu’est-ce que le handicap ? Qu’est-ce que la beauté ? Pourquoi opposer le handicap à la beauté ? Pourquoi, encore une fois, un problème d’accessibilité à la beauté quand on est une personne handicapée ? Pourquoi ne pourrait-on pas être beau/belle ET handicapé.e ?
Qui décide de tout cela ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?
Mon handicap étant apparu vers l’âge de 30 ans, j’ai pu faire la comparaison, avant et après. Malheureusement, mon constat est sans appel : certains regards ont changé, ils n’ont plus les mêmes intentions. Juste parce que je suis passée de la position debout, à la position assise (la majorité du temps, car je marche également avec une canne). Je suis passée du stade de la jolie jeune femme, au statut d’être humain à part. Une sorte de curiosité... Mais je ne suis qu’une minuscule goutte d’eau dans l’océan du handicap !
Plus de 80% des handicaps sont invisibles, et nous sommes au moins 12 millions de personnes handicapées en France. 12 millions de moches officiels ?! On ne parle même pas des officieux...
La définition de la beauté est « une notion abstraite liée à de nombreux aspects de l'existence humaine. »
Elle n’est en rien liée à une soi-disant norme imposée ! Rien ni personne n’en détient ni l’accès, ni le monopole. Qui que l’on soit, quelle que soit notre singularité, la beauté est toujours unique et subjective. Elle naît, différente et plurielle elle aussi, dans les yeux et le cœur de celle ou celui qui la regarde, et qui décide que ce qu’il/elle voit est « beau ». Donc vous, oui vous...VOUS ÊTES BEAU/BELLE !
Heureusement, il existe aussi partout dans ce monde, des personnes merveilleuses et audacieuses, qui œuvrent chaque jour, pour bouleverser les codes et faire évoluer les mentalités sur ces sujets ! C’est le cas notamment de Frédérique Deghelt, écrivain et Astrid di Crollalanza, photographe, qui ont donné parole et images à ceux qui ne sont généralement pas représentables, pas audibles, et que nous appelons « handicapés », sans jamais donner à ce mot une autre définition que celle du manque. Vingt-six photographies grand format permettent d’engager une réflexion sur l’image de soi et la place de l’Autre dans la société. Un corps-à-corps avec notre condition humaine.
Pour que cette alchimie de la beauté et du handicap soit mise en lumière et accessible à toutes et tous. Et qu’il soit enfin acquis par tout le monde, qu’être beau/belle c’est être soi. Tout simplement.
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